Remise en question...
Il y a très très très longtemps, j’ai décidé de devenir infirmière puis Cadre de Santé. Cette profession s’accordait avec mes valeurs : respect des autres, aider, soulager, écouter, comprendre… J’ai aussi choisi d’exercer dans le service public hospitalier puisque l’hôpital est plus proche de mes convictions politiques et citoyennes que les cliniques.
Petit à petit, l’hôpital a évolué changé. Ces missions sont devenues plus proches de celles des cliniques et les nouvelles gouvernances ont commencé à parler “d’unités de production de soins” au lieu de services de soins. Les mots comme ”objectif d’activité”, “enveloppe budgétaire”, … sont apparus.
A l’exception des soignants, plus personnes ne parlent de patients, qualité de soins, missions du service public, …
En 2006 grand coup de Trafalgar dans ma petite tête. Je prends conscience que non seulement l’hôpital change, qu’il le fait au mépris de la santé de mes concitoyens mais qu’il bafoue aussi les valeurs professionnelles et personnelles de la plus grande majorité des soignants. Ceux-ci sont devenus des Don Quichottes, se battant contre des moulins à vent…
Cette même année, je décide donc de me reconvertir et fait la demande d’un dossier pour bilan de compétences auprès de l’ANFH .
Je complète ce dossier mais sans le signer, ni le dater.
Trop difficile de faire le deuil d’une profession que l’on aime et à laquelle on croit.
Trop difficile d’admettre que les soignants ne bénéficient plus d’aucune reconnaissance alors que, sans eux, les établissements de santé n’existeraient pas.
Trop difficile de voir des soignants débordés et épuisés car refusant de lâcher prise et ne pensant qu’au bien-être des patients qu’ils ont en charge.
Trop difficile de devoir s’assurer qu’un patient “rapportera“ avant d’accepter de le recevoir.
Trop difficile d’assister, impuissante, à la fin du service public hospitalier.
Il me faudra 2 ans pour accepter que moi, anecdote71, je ne suis qu’un micro grain de sable dans cet immense tornade dévastatrice et que, à défaut de pouvoir sauver les soignants, les patients et le système, il fait que je me sauve moi-même.
Inutile de perdre son temps, son énergie, sa vie.
J’ai donc signé mon dossier… la semaine dernière ! Et j’ai un entretien préparatoire le 08 juillet.
Le début d’un autre voyage ? Une ouverture sur un autre monde ? La route est encore longue.
En attendant je ne baisse pas les bras et j’ai toujours un petit espoir pour l’avenir des soignants et du service public hospitalier. Mais je sais, maintenant, que je ne partagerai plus l’aventure…
Ce qui ne m’empêche d’avoir fini ma journée d’hier, en larme dans mon bureau. Je venais d’apprendre que je n’aurai aucun soutien de ma hiérarchie quant à l’effectif infirmier de ce week-end. Pour la première fois de ma vie professionnelle, je constate que ce week-end une équipe, MON équipe, va travailler en-dessous de l’effectif minimum !
1 infirmière pour gérer 23 patients ! Certains sont valides et autonomes mais 4 sont en chimiothérapie, 5 sont complètement dépendants, 2 sont en fin de vie et 1 est en isolement du fait d’un méchant microbe….
Un conseil ?
Ne soyez jamais ni malade, ni soignant.