Anecdote professionnelle (4)
1989 : le SIDA fait son apparition dans la conscience des gens. Il fait peur, beaucoup de personnes méconnaissent les modes de transmission de la maladie.
1989 : c’est aussi ma 1ère année en tant qu’infirmière. Je travaille en réanimation, nous (les professionnels de santé) sommes formés pour prendre toutes les précautions nécessaires afin d’éviter d’être contaminés par le virus.
Malgré tout, une peur irraisonnée règne : il n’est pas rare de voir des soignants habillés de pied en cape pour approché un sidéen, de peur que le virus ne leur “saute” dessus.
Dans le service, nous recevons alors un jeune homme de 22 ans pour pneumopathie. Au bout de quelques jours, et après quelques examens, il s’avère qu’il s’agit d’une maladie opportuniste et que le patient est porteur du VIH (virus du SIDA). Il est déjà à un stade très avancé de la maladie.
Épuisé par son infection, il est dans l’incapacité d’assurer ses propres soins d’hygiène. Chaque jour, il est donc lavé, changé, etc., par les aides-soignants et infirmier(e)s du service. Tous mes collègues s’habillent “généreusement” avant de faire ses soins : calot, masque, tablier et gants en plastique.
Un matin, alors que j’étais responsable de soins pour ce patient, l’aide-soignante m’appelle. Elle vient de faire une partie de la toilette du jeune homme et, pour lui laver le dos, elle à besoin de moi pour aider le patient à se mettre de côté dans son lit.
Je mets un tablier et aide le jeune homme à se tourner.
L’aide-soignante me fusille du regard en me montrant mes mains qui ne sont pas gantées. Je hausse les épaules : pas la peine de mettre des gants, il n’y a aucun risque d’être contaminé en touchant le dos d’un malade !
Une fois son dos lavé, j’aide le patient à se remettre correctement dans son lit. A ce moment je m’aperçois qu’il pleure en silence. Je lui demande s’il souffre et sa réponse restera gravée en moi pour une éternité :
« Non.
Merci.
Merci de ne pas avoir mis de gants. Le plastique est tellement froid…
J’avais oublié la sensation que procure la chaleur d’une peau contre la sienne.
C’est comme si vous m’aviez redonné un peu de vie…
Merci… »
Parfois, il suffit de la chaleur d’une main contre une peau…